Katajjait, « jeux de gorge »
April 27, 2013
Les origines des
katajjait diffèrent selon les collectivités. Selon Davidialuk Alasuaq Amittu, un artiste de Puvirnituq au Nunavik (Nord du Québec), cette forme de jeux ou de chants a été apportée par un groupe de « petits hommes » appelés les Tunnituarruit qui parlaient le
katajjait.
[caption id="attachment_559" align="alignleft" width="529"]
Napachie Ashoona, 2013,
Katajjait (Jeux de gorge), serpentine.[/caption]
Le mot inuit
katajjait est habituellement traduit en français par « chants de gorges » -
katajjaq est le singulier. En fait, en inuktitut (la langue inuit),
katajjaq désigne un jeu où deux femmes imitent des voix animales et des sons naturels comme le son des pas marchant sur la glace ou celui du vent et de la mer. Les
katajjait racontent une histoire en rythme alternée sur un modèle musical combiné avec des mots. Evie Mark, une jeune femme originaire du Nunavik qui pratique le
katajjaq explique ainsi :
Le chant de gorge est une forme d’art, en un sens. Nous n’avons pas de mot en inuktitut pour l’art, mais c’est un art en un sens parce que c’est une façon de se socialiser, une façon de se réunir. L’exemple très typique est quand les maris partent chasser. Les femmes se réunissent quand elles n’ont rien à faire, plus de couture à faire, ni ménage, elles ont juste du plaisir, et l’une des façons de se divertir est le chant de gorge. Ça se passe comme cela. Deux femmes se font face à face en étant très proches l’une de l’autre, et elles chantent avec la gorge comme ça. Si j’étais avec ma partenaire maintenant, je dirais A, elle dirait A, je dirais A, elle dirait A, je dis C, elle dit C.
Elle répète alors après moi. Ce serait une sorte de roulement de sons. Et, lorsque cela se produit, vous créez un rythme. Et la seule manière de rompre le rythme est lorsque l’une des deux femmes commence à rire ou si l’une d’elles s’arrête parce qu’elle est fatiguée. C’est une sorte de jeu. On dit toujours que la première personne qui rit ou s’arrête est celle qui perd. Ça n’a rien de sérieux. Le chant guttural est une manière de s’amuser. C’est ça l’idée : avoir du plaisir ensemble. C’est aussi une façon de prouver à tes amis autour de toi et à ta famille que si tu es une bonne chanteuse de gorge, tu vas gagner le jeu.
[caption id="attachment_560" align="alignleft" width="529"]
Evie Mark (à gauche) et Alacie Sivuarapik (à droite), lors de la soirée culturelle autochtone (colloque annuel du CIÉRA-AÉA 2013), le 18 avril dernier à l’Université Laval, Québec. Photographie A. Maire © Ciéra.[/caption]
Autrefois découragé par les prêtres à travers le Nord, le chant de gorge est devenu très populaire dans les vingt dernières années. Actuellement il y a beaucoup de femmes - et plusieurs hommes – qui pratiquent les
katajjait pour le plaisir et durant les festivités locales. Les chanteuses de gorge de Puvirnituq au Nunavik (Arctique québécois) sont par exemple très connues à travers le monde.
Aujourd’hui, beaucoup de filles ont l’occasion d’apprendre les
katajjait par leurs grand-mères ou leurs mères, ou même l’intermédiaire d’un programme culturel tel que le Makkuktut Sangiktilirput à Kangirliniq (Rankin Inlet, Nunavut). Plusieurs paires de chanteuses ont enregistré des albums, et plusieurs chanteuses de gorge sont professionnelles. Deux jeunes Kivallirmiut, Inukshuk Aksalnik de Kangirliniq, et Pauline Pemik d’Arviat ont donné des représentations avec l’Orchestre Symphonique de Winnipeg et ailleurs.
Pour en apprendre davantage :
Au sujet des
katajjait :
http://www.mustrad.org.uk/articles/inuit.htm
Makkuktut Sangiktilirput :
http://www.pulaarvik.ca/youth/index.html